Histoires vraies autour de BROCÉLIANDE

À Joval, sans qui... cette première histoire,
pour fêter ton retour, vil bûcheux ! Wink

À toi aussi, Angel,
pour qui l'amitié Broc n'est pas un vain mot... I love you

(Et à de récentes lectures estivales, fort instructives et captivantes).

I – Trait d'union entre deux éléments, le Mont.

Il était une fois... Un éperon rocheux appelé "Mont Tombe" (ou "Tombelaine") par les riverains.

Massif granitique dressé vers le ciel, ce relief émergeait du chaos, de ce monde incertain aux confins de la mer et des terres, qui subsistait depuis que la forêt de Scissy avait été submergée par une tempête démoniaque.

Ladite forêt, qui jouxtait ce Mont Tombe et faisait partie de la marécageuse région de Dol, n'avait été épargnée, à des dizaines de lieues de là, qu'aux abords de la très magique et renommée BROCÉLIANDE. (1)

Depuis lors, deux fois par cycle d'attraction conjuguée de Sol (Baal) et de Séléné, les flots montaient à la vitesse d'un destrier au galop, encerclaient le granit et l'attaquaient en vagues furieuses, l'isolant du continent brumeux avant de refluer pour mieux reprendre forces et recommencer.
Inlassablement. (2)

À la frontière des rives et des nues, entre l'ici-bas et l'au-delà, entre la terre, Celte déesse-mère, et le ciel, royaume de Dieu-le-père, ce lieu étrange, nommé aussi "île des Morts", fut élu pour domicile par un archange.
Le christianisme avait alors, en ce VII° siècle, largement envahi la contrée.

"Premier ange de Dieu, il se nomme Michel".

Mieux connu comme l'archange Saint Michel.
Celui-ci apparut en songe à Aubert, l'évêque de la ville d'Avranches, c'est-à-dire à quelques lieues à peine du Mont.

Par trois fois le prélat vit et entendit l'archange demander de lui construire une demeure sur le rocher ; deux fois il ne fit rien.
Mais à l'aube du troisième, il se leva en frissonnant pour exécuter l'ordre céleste. De l'index, l'archange lui avait percé le côté droit du crâne afin qu'il n'omît point cette fois d'édifier l'oratoire...

À la naissance du 8° siècle, à cette mi-octobre de l'an de grâce 709, juste avant la "fête des morts" (et de Samain), Aubert consacra enfin la chapelle érigée avec les pierres extraites des flancs mêmes du Mont Tombe.

Dès lors, le sanctuaire, confié aux soins de douze chanoines bretons, devint un lieu de pèlerinage de plus en plus connu et honoré, l'actuel Mont-Saint-Michel.

Les serviteurs de Dieu vivaient de l'aumône des chrétiens, disons plutôt, de ceux qui avaient échappé aux brigands de grands chemins et aux traîtres lises, ces mortels sables mouvants ceignant le Mont.
Ils vivaient également des produits de la mer, de ceux des terres avoisinantes qu'ils avaient en gestion et d'une source miraculeuse, d'eau douce, qu'avait fait jaillir l'archange reconnaissant au bas du rocher – Saint-Michel n'étant pas du tout rancunier -, source qui fut aussitôt baptisée et sacrée : "Fontaine Saint-Aubert".

Raison supplémentaire, s'il en fallait, pour susciter et entretenir, foi, pèlerinages et ... dons, évidemment ! (3)

Cette fontaine n'a jamais tari depuis et elle coule encore de nos jours.

(1) Les Celtes, établis 7 à 8 siècles av. J.C. en Armorique (actuelle Bretagne et Normandie), y seraient officiellement arrivés vers – 815 pour certains historiens, avant -700 pour d'autres.
Ils eurent une vie sociale pour le moins méconnue durant plus de mille ans, soit jusqu'au 3° après J.C au moins (campagnes gallo-romaines de Bretagne de 208 -211, et arrivée du christianisme au 4° siècle).

(2) Baal ou Bel, le soleil – même racine linguistique indo-européenne que Belenos, dieu de la lumière en celte, associé à Hélios et Phoïbos en grec et Apollon en latin, dieu du soleil ;
les Titanides (Rhéa, Thésis, Phœbé), filles des Titans en grec, Séléné (Diane) en latin, correspondance celte inconnue pour la lune.

(3) Il y eut par la suite, bien d'autres motifs visant à augmenter encore l'affluence des pélerins chrétiens en ce lieu saint.

(à suivre...) Very Happy

Si je comprend bien, c'est un résumé historique du mont St-Michel ? Wink

Est-ce que l'histoire du prête est celle qu'on raconte ?? ou c'est la partie romancée et composée de toute pièce de l'histoire ?

Je ne comprennais pas très bien de quoi tu parlais au tout début... J'ai cherché Mont St-Michel... Là j'ai mieux compris l'inspiration et pourquoi une histoire si "Chrétienne". C'est vraiment très beau.. et drôle à la fois ! Si petit, si pacté !! et si curieux aussi... une pointe aussi abrupte alors que le continent juste à coté n'a même pas une colline ou un plateau....

Histoires vraies autour de BROCÉLIANDE Mont_s10

tiens.... un p'tit video sur la chose Wink

https://www.dailymotion.com/video/x6ah07_le-mont-saint-michel-entre-tourisme_travel

ah tiens ca ca répond à ma question: Je trouvais que sur la photo du dessus, les gens s'étaient cureusement bâtient... comme si ils avaient tous peur de l'eau en s'entassant les eux sur les autres... ca m'a fait rire... un peu comme si en se tassant de la sorte ils allaient marcher sur les pieds de l'autre. Mais je sais maintenant pourquoi Wink

http://video.google.com/videoplay?docid=-8672966556314590084

C'est très bien écris bouba... C'est le principe de l'histoire vraie romancé pour passer à la télé, non ?? Oui je sais que l'histoire est vraie .. enfin qu'on raconte que St-Michel est venu voir le prêtre... Mais le trou dans la tête ?? les trois fois ? c'est l'histoire exacte ou c'est romancé ?

Eh oui, Jov', c'est bien une histoire vraie. Bravo !

Seulement, une part de légende - qui ne vient pas de moi - agrémente toujours les belles histoires vraies, surtout lorsqu'elles ont trait à l'Histoire, et d'autant plus si cette histoire est "chrétienne".

N'oublions pas que seuls les membres du clergé savent lire et écrire en ces premiers siècles et que "Charité bien ordonnée commence par soi-même" !...

Alors, la légende - puisque légende il y a -, dit que l'évêque Aubert reçut trois fois en songe l'ordre de l'archange et que ce dernier lui toucha (et troua) le crâne de l'index afin qu'il n'oubliât pas.

Pour aller jusqu'au bout de cette histoire vraie - elle témoigne de ce qui s'est passé au VII° Siècle, ce qui fait loin en arrière -, j'ai entrepris de raconter l'histoire du Mont-Saint-Michel par petites tranches.

Au VII° siècle, le Mont n'était pas bâti comme nous le voyons de nos jours.

Aubert a bien fait construire un oratoire en hommage à Saint Michel, mais cet oratoire était une modeste chapelle (d'art roman) plutôt que la basilique (de style gothique) actuelle.

Ce sont ces métamorphoses successives que j'espère raconter ici, ultérieurement.

Merci pour ta contribution, ces liens complémentaires et intéressants à cette histoire vraie !
J'espère aussi que tu pourras venir bientôt et visiter quelques uns parmis les plus beaux sites de notre beau "vieux pays de France" durant ton séjour.

Beaucoup de Canadiens sont originaires de Normandie et de Bretagne, l'Armorique à laquelle il est fait allusion dans ce petit essai. (et je ne t'apprendrais rien sur tes origines dans ce sujet)
Tu as donc de fortes probabilités d'avoir dans tes gènes des traces d'ancêtres issus de cette région.

Mais ça, c'est une autre histoire vraie...

Une raison de plus, peut-être, pour te sentir bien chez les Brocs !

Qui sait? ...

2 – Comment et pourquoi une chapelle Bretonne deviendra une abbaye Normande.

Passons rapidement deux siècles – en gros, le temps de douze générations de l'époque -, du VII°, qui voit naître l'oratoire et l'abbaye consacrés par Aubert, au IX °, sans autre fait véritablement notoire que la fin de la guerre, perdue par le roi de France. (1)
La fin de l'affrontement octroie le Mont-Saint-Michel aux gagnants. Les vaillants Bretons conservent de surcroît l'indépendance de la Bretagne d'alors, tout en rendant allégeance au roi... Pas plus compliqué que de nos jours !

Évidemment, on signe la paix des braves, mais celle-ci ne dure que peu. Elle cesse en fait à l'arrivée de nouveaux envahisseurs : les Vikings.

Leurs étranges embarcations, les drakkars du roi Rollon, ces grandes barques larges et souples, profilées et voilées pour la haute mer, abordent sur la côte au nord du Cotentin. De leurs flancs joliment galbés en sortent de si farouches guerriers qu'ils battent leurs opposants Bretons à plate couture en moins de deux.

Une nouvelle fois, le roi de France cède à Guillaume-Longue-Épée, fils de Rollon (mort en 927), un territoire à peu près équivalent à la Normandie actuelle. (pffftt !)

Par malchance pour l'indépendance, la nouvelle frontière entre Bretons et Vikings est la rivière 'Le Couesnon' et elle octroie du même coup le Mont à l'ennemi. Cette frontière, parfois déplacée par la suite, tiendra néanmoins très longtemps. (2)
Vraiment ballot !
Mais cette prise de guerre a pour conséquence de christianiser les Vikings. Joli coup, pour le clergé.
Par la même occasion et au fil des années, ces convertis deviennent aussi des seigneurs Normands "civilisés".

Ces nouveaux ducs accordent donc, en fonction de leur foi récente, leurs largesses aux chanoines Bretons de l'oratoire ; les terres et les villages autour du Mont, ainsi que de substantiels dons en argent.

Au gré des années, les mœurs "peu catholiques" de ces chanoines – plus enclins à investir cette richesse en excès de tout genre qu'à la seule dévotion à l'archange (selon les légendes Normandes...) -, vont nuire à leur cause.
En effet, en 966, Richard 1er, surnommé Richard sans peur, obtient du pape de remplacer ces vils débauchés Bretons par douze moines bénédictins Normands des plus pieux.
Ce qui fut fait sans barguigner, manu militari !

Cette fin du IX ° siècle marque le début d'une croissance du Mont-Saint-Michel vers l'âge d'or dont les bons bénédictins seront les orfèvres puisqu'ils vont désormais consacrer leur temps et les oboles à augmenter considérablement la renommée du Mont.

Ils commencent par décider d'agrandir l'abbatiale et de protéger le lieu de culte. Cela bénéficiera aussi aux âmes qu'il attire, toujours plus nombreuses. Le très croyant duc Richard 1er vient lui-même superviser les travaux.
Pèlerins, moines, seigneurs et serfs sont bientôt à l'abri d'une palissade fortifiée, en bois, qui clôt l'enceinte.

Après l'amélioration du domaine matériel, ils poursuivent par celle du spirituel.
L'oratoire étant devenu trop petit pour abriter la dévotion de tous, d'une part, et d'une autre, jugé indécent en regard du si haut rang tenu par l'archange Saint Michel dans la hiérarchie divine, le père supérieur envisage d'édifier un monument plus vaste et plus prestigieux en lieu et place de la modeste chapelle romane âgée de trois siècles.

C'est folie d'imaginer un tel projet d'ampleur sur un Mont si petit et déjà fort encombré... Mais qu'importe, pour qui a la foi ! Ne dit-on pas qu'elle soulève les montagnes?

Le père abbé du Mont-Saint-Michel demande en 1017 à l'illustre maître d'œuvre, Pierre de Nevers, qui est alors en Italie, de venir étudier et mener la folle réalisation. (3)
Avec l'aide de Dieu, le Mont deviendra peut-être le haut lieu de croyance de tout l'occident chrétien...

Comme vous le savez, il l'est devenu.
L'abbaye sera même très prospère – en dépit des travaux, jamais ne cessèrent les pèlerinages – car toujours grandirent les flots d'oboles et les dévotions à l'archange.

Mais connaissez-vous les mille et une difficultés rencontrées avant de le devenir?...

(1) En 799, Charlemagne soumet toute la Bretagne jusqu'alors indépendante dans la Gaule mérovingienne
En 822, Wihomach proclame la Bretagne indépendante et conteste la souveraineté du duc de Bretagne.
En 856, traité de Louviers : le royaume est reconnu indépendant mais reste vassal du roi de France.
En 867, traité de Compiègne : Charles le Chauve cède à Bretagne les pays d'Avranches et du Cotentin.

(2) Elle dure depuis plus de dix siècles, puisque le Mont-Saint-Michel est encore en région Normandie de nos jours.
On comprend mieux la rivalité entre Bretons et Normands suite à cette "trahison" du roi envers l'indépendance bretonne.

(3) Pierre de Nevers, moine bâtisseur d'églises originaire de l'abbaye de Cluny, Saône-et-Loire (y serait mort en 1022).
Les sept facettes d'un savoir-faire des bâtisseurs de cathédrales: l'architecture, la stéréotomie, la géométrie appliquée, la mnémotechnique, le compagnonnage, l'homme de chantier, et les inventions et automates. (Roland Bechmann, Le carnet)

(à suivre...) Very Happy

C'est très interressant bouba ... ca me rappel le film "le nom de la rose" (si je me rappel bien) avec Sean Cornery et Christian Slater (un de ses premiers film).

C'est très bien écrit bouba ... tu as un très grand talent pour l'écriture... bon on le savait tous.. mais tu le prouve encore une fois ! Wink

J'attends la suite !

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